Pourquoi ça n’est que le début
La décision d’EON de sortir des énergies “classiques” annoncée hier semble surprenante. EON fait partie des quatre grands fournisseurs d’énergies en Allemagne, avec un chiffre d’affaires de plus de 120 milliards en 2013. La décision de changer de stratégie de cette manière aura donc des impacts considérables sur son avenir et représente un pari remarquable dans une industrie qui a peu changé depuis des siècles. Doit-on considérer cela comme une exception, un “cas allemand”, ou bien EON nous montre-t-il la voie du futur ?
L’Allemagne - un cas isolé ?
Beaucoup considèrent l’Allemagne comme un cas isolé, avec sa décision de miser sur les énergies renouvelables, mais surtout grâce à sa capacité à aller de l’avant et à sa volonté d’accepter d’en payer le prix. Il s’agit d’une expérience hors pair pour la plus grande économie d’Europe. Déjà aujourd’hui, les prix de l’énergie pèsent lourd sur le pouvoir d’achat des Allemands qui paieront bientôt trois fois plus cher le kWh que les français.
Une partie de la population commence à se plaindre de l’explosion de ces coûts, mais la majorité reste sereine et continue de soutenir cette cause, qui aura un impact sur les générations à venir. Mais considérer l’Allemagne comme un cas isolé serait une erreur. Nous commençons seulement à observer les conséquences précoces de la transition énergétique, poussées par le peuple et par l’Etat. Allons-nous bientôt voir les mêmes bouleversements dans d’autres pays ?
Le boom des énergies renouvelables, c’est ailleurs
Aujourd’hui, les marchés des énergies renouvelables en expansion ne se trouvent plus en Europe, mais dans d’autres régions du monde. Ils sont par exemple aux Etats-Unis, pays qui a vu naître des sociétés comme Solar City : cette start-up prévoit seule la réalisation de plus de 500 MW d’énergie solaire en 2014 - chiffre incroyable, lorsque l’on sait que le marché solaire français ne représentait au total que 613 MW en 2013.
Au-delà de la question de savoir si ce même développement est souhaitable en France ou pas, il est certain que cela aura des conséquences considérables partout dans le monde : le coût du photovoltaïque continue de baisser grâce aux volumes réalisés, le coût de l’énergie de réseau continue d’augmenter et l’on voit naître des sociétés qui sont en train de révolutionner leurs marchés domestiques. Mais qui ne vont pas s’arrêter là…
La transition énergétique ne se laisse plus arrêter
En France, on oublie souvent de mentionner dans les discours que le temps joue en faveur des énergies nouvelles. Chaque année qui passe voit leurs coûts baisser, et le prix de l’énergie réseau augmenter.
Chaque année on se rapproche un peu plus de la parité énergétique, qui permettra aux consommateurs de payer moins cher l’énergie produite par eux-mêmes que celle qu’ils achèteront « au réseau ».
Nous verrons bientôt apparaître des technologies qui accélèreront drastiquement ce développement : Des batteries moins chères et plus efficaces, des panneaux solaires plus performants, des méthodes de production de plus en plus compétitives. Le consommateur français sera un jour capable d’être indépendant à 100 % de l’énergie du réseau, de payer moins cher son énergie et de choisir lui-même sa source d’énergie, de façon naturelle et indépendamment des décisions locales. Et ce n’est pas une question de « si » mais de « quand ». Ce n’est pas non plus de l’extrémisme intellectuel que de le penser mais simplement de la logique.
La conséquence pour les fournisseurs mondiaux d’énergie
Revenons-en à la question initiale : peut-on considérer EON, qui anticipe dès aujourd’hui et de manière drastique cette réalité, comme un cas isolé, un cas allemand ? L’analyse précédente nous dit l’inverse.
Les fournisseurs d’énergies actuels deviendront petit à petit des prestataires qui vendront ponctuellement de l’énergie, par exemple la nuit ou lorsque la météo n’est pas favorable. Cela nous mènera inéluctablement dans une autre démarche, car pour rentabiliser les parcs de centrales et le réseau énergétique, il sera nécessaire d’augmenter le prix du KWh- ce qui rendra les énergies renouvelables de plus en plus attractives pour le consommateur. Les équipements, qui deviendront surdimensionnés, creuseront la tombe des fournisseurs d’énergies, ce qui a poussé EON à anticiper sa mutation. Et cette fois ci, cela ne s’arrêtera pas à la frontière.
Un nouvel aspect de la transition énergétique
Pourquoi alors demander des subventions et un tarif d’achat pour “aider” les énergies renouvelables en France ? Le succès et l’impact des énergies vertes sont indépendantes des décisions françaises. Ni le gouvernement, ni les lobbies ne pourront empêcher son développement à l’international et ne pourront éviter au marché de changer. Mais il y a quand même, à part les appels au secours justifiés des acteurs existants, deux bonnes raisons pour la France d’augmenter son engagement au plus vite : Premièrement, au vu de l’état actuel du paysage de l’industrie française des ENR, aucun acteur ne sera réellement capable de profiter largement de ce développement, le marché français est simplement trop petit et les chocs subis régulièrement par ses acteurs ne leur ont pas permis de se développer suffisamment. Les leaders de demain sont en train de naître ailleurs et la France risque de ne devenir que l’un de leurs marchés, la relayant au poste d’observateur.
Afin que la France puisse être un acteur de la transition énergétique, il devient urgent de créer le cadre nécessaire et d’encourager les consommateurs à y adhérer au plus vite.
Deuxièmement - et contrairement aux instincts des grands groupes- effectuer ce passage petit à petit permettra aux fournisseurs d’énergie française d’apprendre à intégrer dès aujourd’hui les conséquences de ce bouleversement. Car qu’ils en soient conscient ou non : leurs métiers changeront de manière radicale dans les années à venir. Et plus ils s’en détournent aujourd’hui, plus l’impact sera douloureux et difficile.
Il est temps que cet aspect entre dans les esprits des décideurs. Le calcul est en effet plus compliqué que de regarder coûts et résultats immédiats. Il s’agit de la mise en place d’un cadre qui définira le rôle de la France dans une nouvelle industrie qui est en train de naitre
*Manuel Emig, est allemand et fondateur de la société française Soloréa, entreprise qui a pour vocation de démocratiser l’énergie solaire en France en permettant à ses clients d’adhérer à la transition énergétique simplement et sans sacrifice personnel.
Source : Tecsol
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